Par de calmes et douces nuits d’hiver, la quiétude enveloppante se voit parfois interrompue par de puissants cris d’apparence proches, et pourtant si lointains. Bien plus qu’une forme imposante se découpant dans la pénombre, le Hibou Grand-duc fait ainsi retentir sa voix. D’une tonalité grave et profonde, son cri annonce la proximité d’escarpements rocheux et de falaises abruptes. Contrairement à de nombreuses espèces, il n’est pas rare d’entendre la femelle s’exprimer. Ses cris, souvent émis en réponse aux appels du mâle, ont un timbre plus nasal et aigu. Dans des milieux où le territoire des couples bénéficie d’un suivi régulier de la part des naturalistes et gestionnaires d’espaces naturels, l’identification individuelle s’avère très souvent importante à des fins de conservation. En effet, pour les espèces où de légères modifications d’effectifs peuvent influencer la santé de la population, une surveillance étroite permet de soulever les questions relatives à la fidélité au site et au partenaire.
Si les méthodes d’identification individuelle impliquent très souvent la capture et la manipulation des oiseaux, de nouvelles techniques de suivi non invasives voient peu à peu le jour. Chez des espèces où la signature vocale est particulièrement marquée, il est alors possible d’obtenir l’identité de l’oiseau à partir d’un ensemble de paramètres acoustiques. C’est dans cet objectif précis qu’une équipe de chercheurs français a étudié entre 2004 et 2005 la possibilité d’un suivi à distance de cette espèce, citée à l’Annexe I de la directive Oiseaux de l’Union Européenne.
Les hiboux grands-ducs enregistrés entre novembre et février étaient ainsi des animaux sauvages provenant de 9 sites d’enregistrement localisés dans le département de la Loire. Divers critères sonores,
tels que la durée de la phase ascendante et descendante du cri, ou la fréquence de début et de fin de vocalise, ont été attribués aux cris de 9 mâles et de 9 femelles, pour un total respectif de 90 et 80 cris (Figure 1). Les analyses statistiques effectuées sur cette base de données acoustique ont ainsi permis de révéler un classement correct pour 98 % des mâles et 89% des femelles, appuyant l’hypothèse d’une identification individuelle de ces rapaces pour les deux sexes.
Elodie Massol