Le milan royal : une victime collatérale des rodenticides

Tandis que l’année 2022 se clôture et que le dénombrement des oiseaux d’eau se prépare, le ciel se colore quant à lui de roux, noir et blanc, teintes caractéristiques d’un rapaced’Europe de l’Ouest baptisé le «cerf-volant rouge » par les anglais. Bien connu des adhérents de la LPO de par son comptage international effectué au cours du mois de janvier, le Milan royal tire également sa renommée d’un épisode dramatique survenu 12 années auparavant.

©JL Haber

Triste victime collatérale de l’utilisation de rodenticides au sein des parcelles agricoles françaises en 2011, cette espèce a notamment essuyé la perte de 28 individus en région Auvergne, faisant de cette découverte le plus important empoisonnement mortel de France depuis 2003. Afin de lutter contre la croissance exponentielle des campagnols fouisseurs et leurs ravages sur les cultures, de très grandes quantités de bromadiolone, une substance bloquant la coagulation du sang des rongeurs, avaient en effet été répandues dans certaines régions du centre de la France. Bien qu’une réduction des quantités d’appâts disponibles par hectare et une élimination conséquente des rongeurs aient été effectuées pour limiter l’exposition secondaire à ce rodenticide, l’ingestion de proies contaminées par les rapaces n’avait pas entièrement disparue. La nécessité d’une solution complémentaire a par conséquent laissé la voie à diverses pistes de recherche au sein de la communauté scientifique.
C’est en 2017 que l’apport de la chimie s’est avéré essentiel. En effet, les rodenticides anticoagulants sont un mélange de deux formes différentes, dites isomères. Nommées « cis-bromadiolone » et «transbromadiolone », ces dernières sont présentes dans tous les appâts commerciaux dans des proportions respectant les valeurs officielles européennes, à raison de 70 à 90 % pour le « trans bromadiolone » et de10 à 30 % pour le « cis-bromadiolone ». Toutes deux létales pour les rongeurs, les chercheurs se sont cependant aperçus que la forme « trans-bromadiolone » représentait jusqu’à 99 % de la quantité totale en bromadiolone contenu dans le foie des oiseaux morts, soit une proportion très différente de celle observée dans les appâts commerciaux originels. Présente dans l’organisme des rapaces dans des quantités pouvant atteindre les 911 ng/g, cette dernière dépassait nettement la limite mortelle de 100 – 200 ng/g identifiée par les chercheurs, contrairement à la forme « cis-bromadiolone » (< 15 ng/g).

Elodie Massol