Au sein du règne animal, la survie des espèces est directement conditionnée par leur capacité à franchir le filtre de la sélection naturelle. Au fil des générations, l’évolution sélectionne des phénotypes et stratégies comportementales permettant la pérennisation des espèces à travers le temps. Très diversifiés de par leur anatomie, leur plumage ou leurs traits d’histoire de vie, les oiseaux fournissent ainsi de bons exemples d’adaptation à leur environnement.
Comme toute espèce apte au vol, ils ont notamment développé de nombreuses stratégies d’évitement des obstacles lors des déplacements aériens. Souvent mortelles lorsqu’elles surviennent contre des structures d’origine anthropique, les collisions entre congénères induisent également des blessures ou des dépenses énergétiques importantes, notamment en période de migration. Les espèces de grandes tailles, plus rapides et moins agiles que les espèces de plus modestes dimensions, possèdent ainsi des capacités d’évitement plus limitées. Contrairement à de nombreux passereaux, connus pour émettre des cris de vol spécifiques pour signaler leur position à leurs congénères, les grandes espèces grégaires emploient alors des stratégies différentes lors des mouvements de migration.
Des travaux scientifiques parus en 2022 dans le journal de la Royal Society apportent ainsi certaines pistes de réponses. Suite à l’analyse détaillée des modes de vie et de plusieurs milliers de clichés photographiques provenant de 1980 espèces d’oiseaux, les chercheurs ont ainsi mis en évidence le rôle surprenant de la face interne des ailes dans le processus d’évitement des collisions entre congénères. Il semblerait que l’évolution ait sélectionné des ailes particulièrement contrastées, utilisées comme de véritables signaux visuels chez les espèces grégaires de grandes tailles. Elles permettraient notamment d’évaluer avec précision la vitesse et la direction des individus volant à proximité, réduisant ainsi le risque de collision. Cette caractéristique, présente par exemple chez les Cigognes blanches, rendrait les individus plus visibles au décollage et en vol, à la fois pour les congénères situés en dessous ou au même niveau. Les Flamants roses se serviraient également de ces contrastes comme signalement des prédateurs aux congénères.
Le contraste au niveau de la face inférieure des ailes se retrouve en parallèle chez certains oiseaux nocturnes. Alors que la plupart de ces espèces possèdent des mœurs solitaires, certaines d’entre elles chassent en groupe ou forment des colonies lors de la période de reproduction. C’est notamment le cas pour l’Engoulevent sable, un oiseau nocturne américain possédant le dessous des ailes très contrasté. Ce signal visuel aurait ainsi évolué indépendamment dans plusieurs lignées taxonomiques.
Références :
Zheng, K., Liang, D., Wang, X., Han, Y., Griesser, M., Liu, Y. & Fan, P., 2022. Contrasting coloured venral wings are a visual collision avoidance signal in birds. Proceedings Royal Society B, 289 : 20220678.