Prenant ses racines à la préhistoire, la chasse est inscrite dans les mœurs de l’humanité depuis de nombreux millénaires. Part importante de la culture, de l’économie ou de la survie dans de nombreuses régions du globe, cette activité est cependant étroitement liée à l’augmentation des taux d’extinction des espèces, en particulier chez les oiseaux. Si l’exemple du dodo de l’île Maurice n’est plus à présenter, d’autres espèces ont également subi les conséquences d’une chasse intensive, telles que le grand pingouin dans l’Atlantique Nord ou le pigeon migrateur en Amérique du Nord, dont la population du 19ème siècle était estimée entre 5 et 10 milliards d’individus.
Afin de prioriser les questions de conservation, des chercheurs français ont publié en 2024 une revue scientifique rassemblant des informations autour de cette thématique. Si les changements de routes ou de haltes migratoires sont des conséquences déjà observées chez certains oiseaux, tels que les oies des neiges, l’évaluation des conséquences démographiques et évolutives a quant à elle rarement été menée. Toutefois, les données actuelles suggèrent que l’incidence de la chasse sur les taux de croissance est étroitement liée à son interaction avec la mortalité naturelle et la fécondité. Il est alors possible de parler de « compensation » lorsque l’on confirme statistiquement que les individus chassés auraient tous succombé de morts naturelles. Cependant, cette situation demeure très rare, la compensation partielle étant bien plus répandue. A l’opposé, il est possible d’évoquer la notion de « mortalité additive », comme pour la bernache du Canada, lorsqu’il est confirmé que tous les individus tués auraient survécu d’un point de vue statistique. Ces concepts se révèlent ainsi très utiles dans l’évaluation des capacités d’une population à se maintenir au-dessus d’un seuil de « non-retour ».
En règle générale, les espèces possédant une longue espérance de vie, une reproduction tardive et une faible fécondité sont davantage impactées par la chasse que celles ayant une durée de vie plus courte et une fécondité élevée. Les conséquences peuvent également s’amplifier selon la contribution des individus chassés à la croissance de la population. C’est notamment le cas des adultes, ces derniers possédant un potentiel de reproduction plus élevé que les juvéniles. En parallèle, chez le grand tétras ou l’eider à duvet, seuls les mâles peuvent légalement être chassés. En effet, les femelles jouent un rôle crucial dans la dynamique de la population en réalisant l’incubation et l’élevage des poussins. Chez les mammifères, la chasse sélective liée aux attributs sexuels secondaires se révèle courante, notamment chez les ongulés, où les individus sont délibérément choisis pour leurs bois. Cette sélection a notamment déjà entraîné une réduction de la taille des cornes chez des espèces comme le mouflon d’Amérique, le bouquetin ibérique et le mouflon européen. Chez les oiseaux, la démonstration de cette tendance est plus complexe, la chasse ciblant généralement les individus les plus faibles. Il semblerait par exemple que les jeunes eiders à duvet en mauvaise condition physique soient plus vulnérables à la chasse, tout comme les jeunes sarcelles d’hiver. En Amérique du Nord, plusieurs recherches ont révélé que les canards colvert victimes de tirs possédaient eux aussi une masse corporelle plus faible, témoignant d’un plus mauvais état de santé. Au fil des générations, des altérations morphologiques ou comportementales peuvent ainsi se produire sur la base de cette sélection.
Références :
Grzegorczyk, E., Caizergues, A., Eraud, C., Francesiaz, C., Le Rest, K. & Guillemain, M., 2024. Demographic and evolutionary consequences of hunting of wild birds, Biological Reviews.